Depuis des mois, Facebook est accusé d’avoir été instrumentalisé par des entités liées à la Russie pour manipuler l’opinion publique aux États-Unis, notamment pendant la campagne électorale américaine de 2016, et ailleurs dans le monde. Elle est aussi régulièrement pointée du doigt dans les affaires liées à la diffusion de fausses nouvelles et de contenus discriminatoires sur Internet.
Le scandale de Cambridge Analytica qui éclabousse Facebook en ce moment semble être un signe de mauvais augure pour le géant des réseaux sociaux américain. La firme de Menlo Park est désormais poursuivie par certains de ses actionnaires. En outre, des politiques estiment aux États-Unis que cette affaire pourrait être le chainon manquant qui permettrait aux mécontents de la dernière élection présidentielle US de prouver qu’il y a effectivement eu collusion entre Trump et la Russie et que le pays de Poutine a eu un rôle déterminant dans la défaite d’Hilary Clinton.
Ce scandale a ceci de particulier qu’il implique au moins quatre acteurs clés : un informaticien russe, une société spécialisée dans la communication stratégique et l’analyse de données, le géant des réseaux sociaux Facebook et des politiciens. Dans cette affaire, une masse de données collectées qui devaient, à l’origine, servir à une recherche universitaire auraient été détournées pour alimenter une « arme de déstabilisation politique » qui aurait permis l’ascension de Donald Trump à la magistrature suprême des États-Unis.
L’informaticien russe du nom d’Aleksandr Kogan a effectué des travaux de recherche à l’Université de Cambridge et a conçu une application baptisée « ;Thisisyourdigitallife ;». Cette appli se présentait sur le réseau social Facebook comme une application utilisée par des psychologues à des fins académiques et proposait aux internautes de remplir des tests de personnalité avec à la clé une rémunération pour les participants.
Quelque 270 ;000 personnes ont choisi de partager leurs données personnelles avec Kogan au travers de son application d’utilité académique. Mais finalement, grâce à ces 270 ;000 utilisateurs de base, Kogan a pu accéder aux données de 30 à 50 millions d’utilisateurs de Facebook qui n’ont pas été avertis de la manœuvre. Mais il n’a rien fait d’illégal à ce moment-là puisqu’il ne violait aucune des procédures ou règles établies par Facebook.
Les choses sont devenues problématiques lorsque Kogan a livré ces données à Cambridge Analytica. Facebook soutient que cela va à l’encontre des conditions d’utilisation de l’entreprise. Conformément à ces règles, les développeurs ne sont pas autorisés à « ;transférer les données que vous avez reçues de nous (y compris les données anonymes, agrégées ou dérivées) vers tout réseau publicitaire, courtier de données ou autre service de publicité ou de monétisation. ;»
« ;En 2015, nous avions appris qu’Aleksandr Kogan nous avait menti et avait violé la politique de la plateforme en transmettant les données récupérées sur une application utilisant une interface de connexion de Facebook à SCL/Cambridge Analytica ;», a déclaré dans un communiqué Paul Grewal, le vice-président et directeur juridique adjoint de Facebook.
La startup Cambridge Analytica, au cœur de ce scandale, est une filiale de l’entreprise de marketing Strategic Communication Laboratories. Elle a été fondée en 2013 et offre ses services aux partis politiques. Elle compte dans ses effectifs des spécialistes du big data ainsi que des experts politiques.
Cambridge Analytica aurait développé un logiciel capable de prédire et peut-être d’influencer le vote des électeurs. Pour alimenter cette machine, la société aurait utilisé les données récoltées par Kogan et son application d’utilité académique sur le réseau social Facebook. Les données dont il est question ici concerneraient un tiers des membres actifs en Amérique du Nord et près d’un quart des électeurs américains. Un ancien employé de Cambridge Analytica du nom de Christopher Wylie interrogé par le Guardian a d’ailleurs confié qu’il a participé à la fabrication de cette « ;arme de guerre psychologique ;». C’est lui qui a joué le rôle du lanceur d’alerte en dénonçant les pratiques de Cambridge Analytica.
Fait étrange, Christopher Wylie a été licencié en 2009 par le Parti libéral du Canada pour lequel il travaillait, justement parce qu’il aurait proposé des méthodes de collecte de données jugées trop intrusives. Aujourd’hui, c’est lui qui dénonce l’exploitation abusive des données qui implique Facebook et son ancien employeur Cambridge Analytica qu’il a quitté en 2014.
Le programme conçu par Cambridge Analytica aurait permis au camp Trump pendant la campagne électorale de 2016 de détecter les potentiels électeurs républicains et d’élaborer des approches ciblées afin d’inciter ces derniers à voter pour son candidat. L’actuel locataire de la Maison-Blanche et son équipe de campagne auraient profité de cet outil pour effectuer des simulations de participation ou déterminer les régions où les déplacements du candidat seraient les plus utiles.
Ce scandale n’arrange pas les affaires de la firme de Menlo Park qui a vu la valeur de ses actions en bourse reculer (– 9 % environ) et sa capitalisation fondre de presque 30 milliards USD en quelques heures depuis le début de la crise. Aux États-Unis, les procureurs de New York et du Massachusetts, la FTC ont ouvert des enquêtes contre le géant des réseaux sociaux.
Comme cela a été évoqué plus haut, cette situation a poussé certains des actionnaires du groupe (ceux qui ont acheté des parts depuis février 2017) à déposer un recours collectif contre Facebook devant la justice américaine. Ils estiment en effet que les pertes financières enregistrées depuis quelques jours par la société dans laquelle ils ont investi sont liées à ce scandale. Ils martèlent aussi que Facebook a violé ses propres politiques de confidentialité et les a trompés « ;en autorisant des tiers à accéder aux données personnelles de millions d’utilisateurs de Facebook sans leur consentement ;».
Darren Robbins, un avocat spécialisé dans les recours collectifs qui n’est pas impliqué dans l’affaire, a qualifié l’affaire Cambridge Analytics de « ;troublante ;» pour Facebook et le pays dans son ensemble et souligné que les investisseurs pourront obtenir gain de cause s’ils parviennent à démontrer que Facebook les a incités à investir en partie sur la base d’informations fausses, trompeuses ou incomplètes concernant des pratiques qui auraient pu éviter les problèmes de confidentialité des utilisateurs.
« ;Ils ont une culpabilité potentielle dans un certain nombre de domaines ;», a confié Robbins avant d’ajouter : « ;qu’il s’agisse de la responsabilité des utilisateurs, des régulateurs gouvernementaux ou des investisseurs, il y a des implications pour notre société compte tenu de la position unique que Facebook occupe dans la vie quotidienne des Américains. ;»
Source : Bloomberg, La Presse
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Le , par Christian Olivier
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