En novembre dernier, deux congressistes américains, les républicains John Cornyn et Robert Pittenger, ont proposé un projet de loi visant à empêcher la Chine d'acquérir des technologies sensibles ou sophistiquées d'entreprises américaines. Le projet de loi, coparrainé avec des démocrates et bénéficiant de l'appui de l'administration Trump, vise notamment à élargir les pouvoirs du Comité pour l'investissement étranger aux États-Unis (CFIUS), une organisation américaine chargée d'analyser les acquisitions d'entreprises américaines par des compagnies étrangères.
Le CFIUS est devenu de plus en plus sceptique à l'égard des transactions dans le secteur de la haute technologie impliquant la Chine en particulier et a bloqué les transactions qui lui auraient donné accès à des semi-conducteurs sophistiqués ou aux données de citoyens américains. Actuellement, le comité se penche uniquement sur les acquisitions étrangères de sociétés américaines ou les transactions boursières susceptibles de nuire à la sécurité nationale. Mais, si le projet de loi aboutit, le CFIUS pourra également examiner certaines ventes commerciales des entreprises de la technologie. Les préoccupations relatives au projet de loi portent sur deux dispositions plus précisément.
La première est que les investissements étrangers peuvent être examinés par le CFIUS s'ils concernent une « technologie critique » ou une « infrastructure critique », ce qui va créer, selon les représentants de l'industrie, une incertitude, donner trop de latitude aux régulateurs sur les marchés qu'ils choisissent d'examiner et nuire aux investissements directs étrangers. « Nous sommes préoccupés par le fait que cela élargisse énormément la portée et la juridiction (du CFIUS) », a déclaré Nancy McLernon, directrice générale de l'Organisation pour l'investissement international (OFII), un groupe qui représente les entreprises mondiales qui opèrent aux États-Unis. « Nous avons besoin de garde-fous autour des définitions pour nous assurer que nous n'allons pas nuire aux investissements directs étrangers », a-t-elle ajouté.
L'autre préoccupation est que les pouvoirs accrus du CFIUS pourraient inclure l'examen des ventes de matériel de haute technologie ou de licences de logiciels, dupliquant ainsi les règlements actuels sur le contrôle des exportations et ajoutant une incertitude au processus de vente. D'après les critiques, les deux changements nécessiteraient qu'un groupe déjà débordé par le travail ajoute encore un nombre incalculable de transactions à sa charge de travail. Cela pourrait donc créer des retards qui rendraient difficile pour les entreprises américaines de rivaliser avec leurs concurrents non américains.
La loi élargirait le domaine d'action du CFIUS pour lui permettre d'examiner, et potentiellement de rejeter, de plus petits investissements et d'ajouter de nouveaux facteurs de sécurité nationale à considérer. Ces facteurs incluent la possibilité que les informations sur les Américains, telles que les numéros de sécurité sociale, soient exposées dans le cadre de la transaction ou si l'opération est susceptible de faciliter la fraude.
Face à ces dispositions, les entreprises de la technologie demandent des modifications au projet de loi. « C'est une très haute priorité. Nous y consacrons beaucoup de temps », a déclaré Josh Kallmer, premier vice-président de la politique mondiale au Conseil de l'industrie des technologies de l'information (ITIC), qui représente certaines des entreprises. Les membres de l'ITIC comprennent Alphabet, Facebook, IBM, Intel, Qualcomm et une longue liste d'autres entreprises de hardware et de logiciels.
Une solution possible serait d'abord que les législateurs définissent clairement ce qu'ils considèrent comme technologies et infrastructures « critiques » dans le projet de loi afin de réduire le nombre d'entreprises dont les ventes seraient examinées par le CFIUS. Une autre solution consisterait à supprimer ces dispositions et demander aux organismes gouvernementaux américains chargés d'appliquer les règles de contrôle des exportations de surveiller les technologies.
À la suite des protestations des grandes entreprises américaines qui craignent une réduction de leurs ventes, il semble que le projet de loi du Congrès visant à empêcher la Chine d'acquérir des technologies sensibles est en train d'être adouci. C'est ce que rapporte Reuters, citant des sources ayant connaissance de l'affaire. Compte tenu de l'inquiétude suscitée par la loi, le staff du sénateur John Cornyn serait en effet en train de rédiger des changements pour répondre aux préoccupations de l'industrie. Mais, reste à savoir si les modifications seront satisfaisantes ; ce dont on n'a pas vraiment l'assurance actuellement.
Le congressiste Robert Pittenger, qui parraine la version du projet de loi à la Chambre des représentants, a confirmé que certaines « précisions » sont envisagées pour empêcher que les entreprises soient négativement affectées par inadvertance. Mais il a ajouté que le projet de loi répondrait toujours à son objectif de protéger la sécurité nationale américaine. « Est-ce que nous écoutons les avis ? Oui. Faisons-nous des ajustements appropriés pour ne pas affecter par inadvertance les investissements légitimes ? Oui, » a-t-il dit. Mais, « allons-nous adoucir ce projet de loi afin que la Chine ou d'autres pays malveillants puissent continuer à exploiter nos entreprises pour menacer la sécurité nationale américaine ? Jamais, » a-t-il prévenu. D'après M. Pittenger, « certaines entreprises américaines ont besoin de décider de la sécurité nationale de qui elles se soucient vraiment : celle de l'Amérique ou de la Chine ».
Source : Reuters
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Le , par Michael Guilloux
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