Il serait erroné de considérer qu’un bon ingénieur puisse faire un bon leader. C’est en tout cas le point de vue d’un Poras Chopra, un ingénieur de formation. Selon lui, bon nombre d’ingénieurs se font une fausse idée du leadership, croyant qu’en étant bons dans le domaine technique, ils le seront forcément en tant que leader. Il estime que beaucoup d’entre eux ont l'impression qu'être manager signifie être « le meilleur ingénieur ». Les compétences et la mentalité nécessaires pour diriger et gérer efficacement les personnes sont complètement différentes de celles nécessaires pour concevoir une solution évolutive ou optimiser les conversions via une interface utilisateur, déclare-t-il. « C'est une supposition erronée que de penser qu’avoir de bonnes compétences en ingénierie signifie que vous serez un bon gestionnaire ou chef d'équipe », ajoute-t-il.
« La plupart des entreprises alimentent cette idée fausse avec leurs plans de carrière », poursuit l’ingénieur de formation. Il déclare que dans de nombreuses organisations, il n’est tout simplement pas possible de faire progresser sa carrière d'ingénieur senior sans occuper un poste de direction. Pour lui, « transférer un ingénieur dans la gestion est toujours célébré comme une promotion par la plupart des gens qui pensent ainsi que c’est un pas vers le succès alors que demeurer ingénieur principal est vu, en quelque sorte, comme une stagnation. »
Avec cette vision omniprésente dans l'industrie, il n'est pas étonnant que de nombreux ingénieurs considèrent le leadership comme un symbole de statut, une reconnaissance officielle de leur supériorité technique. C'est vraiment difficile de les blâmer, selon Chopra. « Avoir un poste de responsabilité peut être vu comme valorisant par beaucoup. C'est la position phare de l'ingénierie, et les ingénieurs sont formés pour y parvenir », ajoute-t-il.
Une fois que l'ingénieur devient un chef d'équipe ou un gestionnaire, les entreprises ne fournissent souvent pas de formation ou de mentorat sur la façon de gérer les gens, car on suppose qu'ils ont déjà les compétences prérequises. En réalité, ils sont terriblement mal préparés pour le rôle, estime Chopra. Selon lui, lorsque les délais arrivent à échéance et que la pression commence à monter, ces ingénieurs devenus gestionnaires reviennent aux méthodes qui leur ont permis de réussir quand ils étaient de simples ingénieurs, « des méthodes qui peuvent être géniales pour la création de logiciels, mais horriblement préjudiciables pour les équipes dirigeantes. »
Les ingénieurs promus à des postes de manager sont beaucoup trop exigeants avec les employés qui sont sous leurs ordres, estime Chopra. Il déclare que c’est le genre de manager qui vérifie votre état d’avancement plus souvent que le calendrier du projet. Il arrive souvent avec ce type de manager que les délais ne soient pas maitrisés et que les équipes se retrouvent à travailler tard dans la soirée quand la date limite du projet se rapproche ou encore à travailler les week-ends. Tous ces facteurs peuvent affecter négativement la qualité du logiciel final, quand bien même il a été réalisé par d’excellents ingénieurs.
Ces actions sont un symptôme de compétences de gestion non raffinées, estime l’ingénieur de formation. Selon lui, beaucoup d’ingénieurs sous pression se retrouvent souvent à traiter les gens comme des logiciels, croyant qu'ils peuvent faire en sorte que leur équipe fasse exactement ce qu'ils veulent si seulement ils tiraient les bons leviers ou appuyaient sur les bons boutons. Cela ne marche pas, déclare-t-il, car les gens n'aiment pas être contrôlés et, ajoute-t-il, essayer de le faire conduit invariablement à la méfiance et au ressentiment. Les managers de ce type finissent souvent « par échouer dans leur nouveau rôle et deviennent les méchants des histoires de guerre racontées par leurs équipes. »
« Être un gestionnaire efficace, c'est créer des environnements et des cultures qui favorisent les résultats souhaités. Certains des meilleurs chefs d'équipe sont presque invisibles. Ils empêchent leur équipe d'être bombardée par des interruptions non pertinentes et des politiques organisationnelles trop contraignantes. Ils sont des concierges silencieux, éliminant les obstacles et s'assurant que leur équipe dispose de toutes les ressources dont ils ont besoin. Ils créent l'environnement parfait pour que leur équipe réussisse, et ils le font souvent sans même s'en apercevoir. » C’est ainsi que Chopra résume la démarche à suivre par un responsable d’équipe pour réussir sa mission.
Le leadership et la gestion ne doivent pas être considérés comme un rôle prestigieux. « C'est un rôle dans lequel vous agissez en tant que serviteur de votre équipe et de votre organisation », déclare l’ingénieur. En tant que chef d'équipe, vous êtes responsable à 100 % des échecs de l'équipe. Si une panne survient, c'est forcément la faute du manager et non celle d’un développeur ou d’un autre membre de l’équipe, estime Chopra, car selon lui, c’est le manager qui a créé l’environnement qui a favorisé la survenue de cet incident. Il déclare que tout échec dans une équipe de projet est le fait de la mauvaise gestion, donc la faute du manager et que toute réussite est le mérite de l’équipe. Les dirigeants sont des serviteurs de l'équipe, et non l'inverse, insiste-t-il . « Comprendre la gestion et le leadership dans cette perspective a de profondes implications qui peuvent se répercuter dans toute l'organisation, améliorant ainsi l'environnement et la culture pour tous. »
Source : Billet de Blog
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