À son siège de San Francisco, l’entreprise technologique Cloudflare a choisi d’attribuer une tout autre fonction aux lampes à lave. Ce géant de l’Internet moderne est un fournisseur DNS qui s'emploie à gérer et sécuriser des millions de noms de domaine de sites Web. En se basant sur les informations fournies par le site d’analyse W3Tech, on estime que 6 à 10 % des requêtes mondiales HTTP et HTTPS transitent par les canaux sécurisés de l’entreprise technologique, un flux de données colossal qui doit absolument être protégé, notamment contre les attaques par déni de service (DDoS) comme celle qui a terrassé le fournisseur DNS Dyn en 2016.
Cloudflare a donc opté pour une technique de sécurisation des données éprouvée : le chiffrement. Et c’est justement là que les fameuses lampes à lave du hall d’entrée de son siège entrent en jeu. Dans un article de blog paru récemment, l’entreprise a détaillé l’importance de ces lampes dans le système de protection des données qu’elle a mis en place. Contrairement aux apparences, son mur de lampes à lave fait partie intégrante d’un système de chiffrement complexe qui assure la protection d'une part non négligeable du trafic Internet mondial.
Les techniques de cryptographie sont utilisées pour générer des séries de nombres de manière aléatoire et secrète, de façon à ce qu’un adversaire ne puisse jamais les deviner. Mais d’après Cloudflare, la génération aléatoire de ces nombres ne serait pas suffisante pour garantir la sécurisation optimale des données. Du point de vue de la société, ce dont les cryptographes auraient surtout besoin, c’est d’un facteur « d’imprévisibilité », qui seul peut garantir un niveau de sécurité optimal au chiffrement.
Pour obtenir des suites non prévisibles, les firmes de sécurité informatique ont, en général, deux options. La première consiste à faire usage de processus physiques complètement imprévisibles qui prennent beaucoup de temps pour être mesurés, par exemple, relever avec précision la température d’un processeur à un moment précis. La seconde passe par l’utilisation d’algorithmes générateurs de nombres pseudo-aléatoires (CSPRNGs). Ils permettent de générer très rapidement des quantités importantes de nombres aléatoires s’ils sont « connectés » à une source réellement imprévisible.
L’idéal serait, semble-t-il, d’arriver à mettre en place un système qui combine la rapidité de la seconde solution avec les meilleurs gages de sécurité apportés par la première solution. Mieux encore, on pourrait créer un système qui permettrait d’offrir à un CSPRNG une variété de sources imprévisibles.
Le système baptisé LavaRand exploité par CloudFlare a été imaginé par la société Silicon Graphics et breveté en 1996. Les lampes produisent des bulles de cire de manière imprévisible. En parallèle, une caméra installée dans un coin de la pièce enregistre la scène et les images sont transformées en « un flux de bits aléatoires et imprévisibles », qui sont ensuite fournis au générateur pseudo-aléatoire. Ce dernier génère à son tour des quantités importantes de nombres pour finalement chiffrer le trafic de données.
CloudFlare possède différents systèmes physiques permettant de produire des clés inviolables dans ses différents bureaux répartis à travers le monde. Son bureau de Londres dispose d’un « pendule chaotique », et celui de Singapour base son chiffrement sur une source radioactive. Pour simplifier, on peut dire que l’entreprise utilise dans ses locaux de San Francisco un algorithme, une caméra et une centaine de lampes à lave afin de générer des clés de chiffrement aléatoires.
LavaRand et les autres systèmes DIY (Do It Yourself) de Cloudflare ne sont, pour le moment, utilisés qu’en dernier recours, au cas où, par exemple, le système de chiffrement principal des serveurs de l’entreprise, basé sur Linux, serait compromis. Cette initiative a au moins le mérite de rappeler qu’il est important d’entretenir l’innovation en matière de systèmes de chiffrement à l’heure où les algorithmes seuls ne semblent plus être suffisants. « Avec un peu de chance, nous n’en aurons jamais besoin », a déclaré la société dans son article de blog.
Source : Blog CloudFlare, W3Tech
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10 % du trafic Internet mondial serait sécurisé par des lampes à lave
Car l'absence du facteur d'imprévisibilité rendrait le chiffrement moins sûr
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Le , par Christian Olivier
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