LiMux : les problèmes, les incertitudes et la chute
Matthias Kirschner explique que quelques semaines après son lancement, le projet LiMux a dû s'arrêter parce que la ville s'inquiétait des licences. Ce problème a donc été étudié et Munich est arrivée à la conclusion selon laquelle le risque de licence n'était pas pire pour le logiciel libre que pour le logiciel propriétaire. Mais avant d'aller de l'avant, Munich voulait surtout savoir si le passage à Linux allait lui permettre d'économiser de l'argent, un avantage qui est très souvent attribué aux logiciels libres et open source. Un comité informatique a estimé que la ville allait économiser 20 millions d'euros en utilisant Linux sur ses PC. Il y avait cependant d'autres études qui laissaient croire que les coûts avaient été sous-estimés. C'est le cas par exemple d'une étude de HP financée par Microsoft qui affirmait que cela coûterait 43 millions d'euros de plus. Qui avait donc raison ? Il est difficile de le dire, mais les rumeurs sur l'abandon de LiMux citaient souvent le coût comme l'une des principales raisons.
En cours de route, il a été rapporté que 20 % des utilisateurs de LiMux n'étaient pas heureux ou satisfaits du nouveau système, alors que d'autres rapports parlaient plutôt de 40 %. On ne sait toutefois pas si leur satisfaction était liée directement à LiMux ou autre chose. S'interrogeant sur les causes possibles, le directeur de la FSFE indique qu'il a été souvent rapporté qu'il était difficile d'échanger des documents avec d'autres administrations en Allemagne. Selon une politique allemande, les documents étaient censés être fournis dans un format ouvert, mais Munich recevait régulièrement des documents dans des formats propriétaires.
Un autre problème qui aurait pu causer l'échec de LiMux est qu'avec la migration, le support a également été centralisé, au lieu d'être géré par « le gars dans la pièce voisine », d’après Matthias Kirschner. Il se demandait donc si cela aurait pu avoir un impact sur la satisfaction des utilisateurs avec leurs ordinateurs LiMux.
Au bout d'un certain moment, LiMux était également désigné comme « la cause de tous les maux à Munich ». Par exemple, les iPhone ne fonctionnaient pas avec l'infrastructure de la ville, et cela était imputé à LiMux même si cela n'avait rien à voir avec le client desktop, explique Kirschner. Une panne de serveur de messagerie aurait également été injustement imputée à LiMux.
Le nouveau maire de la ville, accusé d’être un fan de Microsoft, faisait donc beaucoup de bruit à ce sujet. Le gouvernement de la ville a alors payé pour une étude en vue d’examiner les problèmes informatiques de la ville. L'étude a identifié plusieurs problèmes, y compris le fait qu'une ancienne version de Windows était encore utilisée, mais les plus gros problèmes seraient d'ordre organisationnel plutôt que technique, d’après le patron de la FSFE. Il s'est avéré qu'il y avait quinze versions de système d'exploitation différentes utilisées dans toute l'administration de la ville, et que les mises à niveau pourraient être bloquées par les départements s'ils ne les aimaient pas ou n'avaient pas le temps de les faire.
Le conseil municipal de Munich a donc décidé de réorganiser le service informatique, mais surtout de voter pour passer à un client propriétaire. Lors d'une réunion, le nouveau maire a déclaré qu'il ne s'agissait pas de prendre une décision, mais plutôt d’examiner les options. Il a été convenu, qu’avant qu'une décision puisse être prise, ils allaient clarifier les coûts, les interruptions de service et ainsi de suite. Mais il s'est avéré que beaucoup de partis s'étaient déjà décidés. Sans attendre une décision du conseil municipal, certains services ont été arrêtés et le courrier électronique a commencé à être migré vers Microsoft Exchange. D'après le directeur de la FSFE, on dit au public que la ville examine toujours les options, alors que tout est déjà scellé : « LiMux sera remplacé par les clients Microsoft ». C'est « nuire non seulement au logiciel libre, mais aussi à la démocratie », a-t-il déclaré.
Matthias Kirschner
Quelles leçons faut-il tirer de l’échec de LiMux ?
Le directeur de la FSFE pense que l'échec de LiMux est une chose qu'il faut comprendre et dont il faudra tirer des leçons pour les autres migrations qui pourraient se produire dans le futur. Il s'est demandé si tout cela était vraiment la faute de Munich ou si la communauté du logiciel libre avait aussi involontairement contribué à l'échec de LiMux.
Pour lui, il y a des questions auxquelles la communauté devrait réfléchir. Il se demande d'abord si la communauté s'intéresse vraiment au marché des OS de bureaux. Il rappelle en effet que Linux est dominant dans tous les domaines, des superordinateurs à l'embarqué, mais n'a jamais pu percer le domaine du desktop. Il s'indigne également du fait que beaucoup dans la communauté de l'open source utilisent d'autres systèmes d'exploitation comme principal OS de bureau. « Notre OS de bureau est-il mauvais ou est-ce que des applications sont nécessaires, en particulier pour les administrations publiques ? », s'interroge-t-il. Il pense qu’il serait préférable de se concentrer sur les applications plutôt que sur le système d'exploitation. Les administrations publiques ont des applications pour toutes sortes de tâches différentes, et celles-ci doivent fonctionner immédiatement après une migration ; sinon un retour à Windows serait inévitable.
Ou « l'accent est-il trop mis sur les économies de coûts ? », poursuit-il. Les défenseurs du projet LiMux ont en effet promis que Munich économiserait de l'argent. D'après le directeur de la FSFE, c'est sûr qu'à long terme c'est vrai, mais un changement a toujours des coûts. Il estime que si le budget est serré, passer à Linux pour économiser de l'argent peut ne pas être le bon plan.
Il estime aussi nécessaire de s’interroger sur le bénévolat dans les projets open source. La réalité, c’est que les projets libres et open source reposent trop souvent sur des contributions volontaires, et ce serait un sérieux problème. Le patron de la FSFE explique en effet que les migrations vers les logiciels libres sont généralement dirigées par des individus. Ces personnes commencent à apporter du logiciel libre et font beaucoup de travail (gratuitement) pour que tout fonctionne. Mais des problèmes surgissent et il n'y a pas de budget pour poursuivre le projet, alors ils s'épuisent et tout échoue. Il pense donc qu'il serait plus logique d'essayer d'obtenir le budget nécessaire pour les projets de logiciel libre, plutôt que de compter sur le bénévolat.
Source : LWN.Net
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Qu’est-ce qui selon vous est plus susceptible de faire échouer la migration d’une administration publique vers Linux ?