La virtualisation de l'accès à distance et de l'utilisation de logiciels a pris un virage d'autant plus prononcé qu'il ne s'agit plus seulement de toucher le particulier mais bien les entreprises et les administrations publiques.
Prenons simplement l'exemple des nombreuses entreprises proposant un service d'hébergement de sites internet, de stockage de données avec mis à disposition d'une multitude de services intégrés (statistiques de fréquentation du site, e-commerce, référencement pour les moteurs de recherche, etc.). L'intérêt de recourir à ce type de service offre un gain économique et technique évident. Ou encore Google avec ses services gratuits offrant traitement de texte, tableur, etc.
Il semblerait que Microsoft ait été réticent à ce type de technologie durant tant d'années en raison du risque potentiel de perdre encore un peu plus une partie de sa clientèle sur ce qui lui rapporte le plus : sa suite bureautique ''Office''. Et ce, autant à destination des particuliers que du monde professionnel.
Et c'est sur ce point que je m'interroge. Microsoft s'engage-t-il dans le cloud computing pour éviter une hémorragie de sa clientèle vers d'autres prestataires de services, ou s'engage-t-il dans la bataille en flairant un marché qui pourrait lui rapporter gros ?
Egalement, il serait intéressant de connaître avec précision le profil des utilisateurs qui réalisent une baisse de leur cout de maintenance et d'administration en utilisant le cloud computing. En clair, tous les utilisateurs ont-ils réellement intérêt à utiliser cette technologie ?
A titre d'exemple, l'Éducation Nationale se tourne de plus en plus vers cette technologie par la mise en place notamment d'ENT (Environnement Numérique de Travail). Plus précisément, ce sont les financeurs qui ont pris le parti de cette technologie, à savoir les départements pour les collèges, et les régions pour les lycées. Pour l'Éducation Nationale, l'intérêt financier est énorme puisque leur Division du Service Informatique (DSI) va de moins en moins intervenir dans l'administration et la maintenance du parc informatique au niveau des établissements. Et il en va de même en réduisant le coût de maintenance et d'administration réseau de premier niveau au sein des établissements où des enseignants sont y déchargés de leurs cours (2h en règle générale). A l'heure des restrictions budgétaires, il n'y pas de petites économies. Et l'Éducation Nationale n'a rien d'une PME-PMI. A cette échelle, les gains financiers sont énormes.
Pour les départements, et les régions, il est aussi plus judicieux de mettre en place une prestation de cloud computing centralisé plutôt que financer individuellement les établissements en les dotant chacun d'autant de licences d'utilisation qu'il y a de logiciels à utiliser.
Dans ce cas précis, il clair que le ratio entre le temps d'utilisation réel des logiciels utilisés par les établissements et le coût des licences est beaucoup plus avantageux économiquement dans un système client-léger (cloud computing). La démarche est dès lors tout à fait logique.
En revanche, et dans cet exemple précis (c'est le seul que je vive de l'intérieur), ce type de technologie est à mon sens une véritable gageure au regard de la qualité des services rendus :
- Lenteur excessives des serveurs (imaginer plusieurs milliers d'enseignants qui doivent se connecter en ligne au même serveur en même temps pour saisir les élèves présents et absents en classe à 8h de bon matin), d'où la perspective d'un coût énorme en parcs de serveurs pour palier à ce problème.
- Inutilisation complète de l'outil informatique dès que l'accès au serveur est interrompu pour x raisons.
- Le choix de l'utilisation de certains logiciels ne plus être décidé par les utilisateurs (les établissements scolaires). Les utilisateurs prennent ce qu'on leur donne.
En poussant par l'absurde une utilisation du cloud computing dans un souci de rentabilité économique, imaginons que tous les élèves de France et de Navarre utilisent des cartables et des manuels numériques. Les départements et les régions financent ce type d'outils pour les élèves.
Et ces décideurs considèrent qu'il serait judicieux d'utiliser le cloud computing pour l'accès et l'utilisation des manuels numériques.
A ce moment là, les enseignants ne choisiraient plus les manuels utilisés par les élèves en fonction de critères pédagogiques qui leur sont propres.
Et on pourrait aller plus loin encore en imaginant une bibliothèque virtuel où les élèves ne liraient que des livres mis en ligne par un seul service centralisé. Imaginez la réduction des coûts : plus de documentalistes dans les écoles, plus de CDI (Centre de Documentation et d'Information).
C'est dans cette optique que je pense que le cloud computing peut être une bonne chose à condition qu'un équilibre soit trouvé entre gain financier d'un côté et qualité de service de l'autre, entre raison économique d'un côté et bon sens de l'autre. En d'autres termes, il est indispensables de poser des limites au cloud computing avant que ce soit lui qui nous en impose.
En revanche concernant la réticence des développeurs français pour cette technologie, je comprend leurs craintes quant à une généralisation, tant au niveau des particuliers que des administrations et des entreprises, du cloud computing. Le problème ne semble pas être au niveau des connaissances techniques à créer et pérenniser des programmes innovants mais plutôt au niveau de la possibilité technologiquement permise quant à la diffusion de leurs programmes.
Pour un grand groupe éditeurs de logiciels, diffuser par le cloud computing leurs services, qu'ils soient gratuits ou payant, est une chose financièrement aisée. Mais qu'en est-il pour les petits éditeurs ?
D'où peut-être la différence de position entre les développeurs français et les développeurs américains.
Nous n'en sommes pas encore là, mais il évident que se poser dès maintenant les bonnes questions n'est pas inutile.
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