
C’est bien connu, les avancées de l’électronique n’épargnent pratiquement aucun secteur et l’automobile est même l’un de ceux dans lesquels elles ont le plus d’impact. Les tracteurs ne sont pas en reste dans ces mutations. John Deere, le constructeur de matériel agricole de notoriété mondiale, ne se serait pas privé des possibilités offertes par l’électronique pour mettre à disposition de ses clients des engins avec un firmware taillé sur mesure pour garder la main mise sur le service après-vente. De la nécessité bénigne de faire taire une alarme, à celle plus importante de remplacer un composant mécanique du tracteur, le seul recours des fermiers reste le constructeur, et pour cause, la moindre modification matérielle est validée par voie logicielle, ce, uniquement chez le constructeur ou un de ses partenaires. Ce genre de pratiques est une forme de vendor lock-in ou enfermement propriétaire : une situation où un fournisseur a créé une particularité, volontairement non standard, dans la machine, l'engin, le logiciel, etc., vendu, empêchant son client de l'utiliser avec des produits d'un autre fournisseur, l'empêchant également de le modifier ou d'accéder aux caractéristiques de sa machine pour la modifier.
Une contrainte jugée largement incompatible par les fermiers avec celles de temps, de maintien de productivité et de coût qui sont les leurs. Ils se sont donc faits défenseurs du projet de loi LB 67 piloté par la sénatrice de l'État du Nebraska, Lydia Brasch. L’objectif était d’amener les grands groupes, à faciliter l’accès aux composants matériels et logiciels (outils de diagnostic) requis par les agriculteurs pour qu’ils puissent eux-mêmes mener des opérations de maintenance, chose à laquelle ceux-ci (John Deere et Apple entre autres) se sont opposés prétextant des possibilités d’atteintes à la propriété intellectuelle. Des informations récentes font malheureusement état de ce que le sponsor du projet de loi, la sénatrice Lydia Brasch aurait jeté son dévolu sur un autre à défendre.
Gordon Byrne, président de l’association des réparateurs des USA s’est exprimé à ce sujet. Il a notamment évoqué la portée trop large du projet de loi qui expliquerait le choix de la sénatrice. Celui-ci en effet visait tout produit électronique intégrant un logiciel embarqué, un champ de bataille jugé sûrement trop vaste par la sénatrice qui ne perd pas pour autant l’espoir de réintroduire un projet de loi mieux ficelé l’an prochain.
Kevin Kenney, un fermier et défenseur du projet de loi piloté par la sénatrice pense qu’une personne qui a fait l’achat d’un tracteur devrait pouvoir en disposer comme bon lui semble, chose que ne permet pas le firmware qui accompagne les tracteurs qu’ils achètent à John Deere. Tel est l’état d’esprit actuel des fermiers du Nebraska qui ont même laissé filtrer qu’ils se procureraient désormais des versions crackées du firmware sur le marché européen (vidéo de démonstration ci-dessous), un acte répréhensible par la loi ? Difficile de se prononcer puisque la loi fédérale sur le copyright (paragraphe 201 alinéa 40) permet à un individu qui possède un tracteur de contourner l’action du firmware original si c’est à des fins de diagnostic de l’équipement.
John Deere pour sa part, conscient de cette disposition législative, fait (depuis octobre 2016) signer à ses clients un contrat de licence dans lequel ils lui reconnaissent à lui et à son réseau de partenaires l’exclusivité de la réparation d’un tracteur en panne.
Sources : The Guardian, VICE, e-CFR, texte LB 67
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