
Design Data Corporation (DDC) a créé un logiciel de type CAD (conception assistée par ordinateur) pour l’industrie de l’acier : SDS/2 peut être utilisé afin de dessiner, en 2-D et 3-D, des modèles de composants en acier de structures. Ces dessins ne peuvent être consultés que par le biais du logiciel SDS/2. Unigate Enterprise de son côté est une entreprise qui fournit des fichiers des modèles de composants en acier de structures à ses clients aux États-Unis. Unigate ne produit pas les fichiers lui-même, mais sous-traite leur production en Chine.
Pour DDC, Unigate a utilisé son logiciel SDS/2 de façon illégale. Des représentants de l’entreprise se sont rendus dans les locaux d’Unigate en août 2012 et ont reçu l’autorisation d’Unigate d’effectuer des recherches sur ses ordinateurs et de copier certains fichiers. Ces représentants ont trouvé un dossier contenant des fichiers d'installation de SDS/2 et trois fichiers de correctifs qui peuvent être utilisés pour contourner l'exigence de licence de SDS/2.
Les défendeurs ont admis lors de la découverte que l'une de ses copropriétaires avait téléchargé une copie de SDS/2 sur un disque dur externe, mais qu'elle croyait que cette copie était une copie de démonstration gratuite du logiciel et qu'elle n'avait pas installé le logiciel, encore moins essayé de l'utiliser. Unigate a admis que SDS/2 avait été utilisé pour créer des fichiers et des dessins dans cinq de ses projets, mais a fait valoir qu'ils ont été faits par des entrepreneurs en Chine.
DDC a poursuivi Unigate pour infraction directe aux droits d'auteur, affirmant que Unigate a illégalement téléchargé une copie du logiciel et a également copié des fichiers et des images qui ont été conçus (output) sur le logiciel SDS/2 protégé par copyright. DDC a également poursuivi Unigate pour violation contributive de copyright en affirmant que Unigate avait importé de Chine des fichiers et des images générés par SDS/2.
Unigate a fait l'objet d'un jugement sommaire, et a estimé pour sa part que le simple fait de télécharger un logiciel sans l’installer ni l’utiliser constitue une « copie de minimis » et que, par conséquent, il ne s'agit pas d'une infraction directe. Unigate a également fait valoir qu'il ne pouvait être tenu pour responsable de la contrefaçon contributive, étant donné que « les actes d'infraction entièrement extraterritoriaux ne peuvent pas étayer une réclamation en vertu de la Loi sur le droit d'auteur même lorsqu'elle est autorisée par une partie aux États-Unis ».
Le 6 août 2014, le juge William Orrick de la Cour du district du nord de Californie a accepté de faire un jugement sommaire à la fois pour l’infraction contributive et pour la contrefaçon directe. Pour lui, le téléchargement d'une copie de SDS/2 « sans aucune preuve que la copie a été installée ou utilisée [...] était au maximum une violation “technique " de minimis qui n'est pas susceptible d'action en droit ».
DDC a fait appel au neuvième circuit, demandant à la Cour de renverser le jugement sommaire. L'avocat de DDC a soutenu devant le neuvième circuit que Unigate « a consciemment mis en œuvre un modèle d'entreprise [...] qui visait à exploiter une faille dans la protection des droits d'auteur accordée aux développeurs de logiciels en décalant sa violation [ du droit d’auteur du plaintif sur le logiciel] outre-mer ». Cependant, étant donné que Unigate ne pouvait pas être poursuivi pour violation contributive, DDC a plutôt soutenu que Unigate violait directement son droit d'auteur en téléchargeant le logiciel et en reproduisant la sortie (output) du logiciel protégé par le droit d'auteur.
Unigate a-t-il violé le copyright en copiant le logiciel de DDC ?
Après que les avocats ont indiqué aux juges Callahan et Hurwitz que Unigate a annoncé sur son site qu'il utilise le logiciel SDS/2, Unigate a répondu en expliquant qu’il comptait sur les contractants pour l'utiliser. Toutefois, Unigate a admis n’avoir jamais demandé à DDC si ces contractants se servaient légalement de son logiciel. Unigate a aussi admis avoir téléchargé le logiciel, et par conséquent l’a copié, mais a fait valoir qu'il ne l'avait pas utilisé et donc cette copie de minimis n'était pas utilisable. DDC a fait valoir que, en téléchargeant le logiciel, Unigate avait copié l'intégralité du code du logiciel SDS/2 et, par conséquent, la copie n'était pas de minimis.
Le juge Hurwitz a demandé aux avocats de Unigate si la règle de minimis devait s'appliquer chaque fois qu'une personne copie une œuvre protégée par le droit d'auteur, même si elle ne l'utilise pas. Ce à quoi ils ont répondu par l’affirmative.
Les sorties produites par un logiciel (output) sont-elles protégées par le droit d’auteur ?
DDC a également fait valoir que Unigate a directement enfreint le copyright du logiciel SDS/2 parce qu'il a copié les dessins d'éléments en acier qui sont un affichage visuel du logiciel et sont, en tant que sorties (output) du logiciel, également protégés par le droit d'auteur.
Pour le juge Hurwitz, qui a trouvé cette « question vraiment intéressante », toutes les sorties (output) d’un logiciel ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur. D’ailleurs, la question de savoir quand les sorties (output) d’un logiciel sont protégeables par le droit d’auteur n’a pas encore été définie par une cour.
Il a continué en expliquant que le code source du logiciel, qui est lisible par l'homme, et son code objet, qui est lisible par la machine, sont tous deux protégeables par le droit d'auteur, au même titre que des œuvres littéraires, s'ils sont originaux et fixés dans un support tangible d'expression. Cependant, les éléments fonctionnels du logiciel, tels que ses systèmes ou ses procédures, ne sont pas protégés par le droit d'auteur puisque la loi sur le droit d'auteur ne protège pas le processus, le système et la méthode d'exploitation.
Le juge Hurwitz a demandé à l'avocat de la DDC ce qui, à son avis, conférait un caractère protégeable par copyright à une sortie (output) particulière. Ce à quoi l’avocat a répondu qu’une sortie (output) serait protégée par le droit d'auteur dès lors qu’il est possible de lier une sorte d'expression créative qui est incluse dans cette sortie comme ayant émané du logiciel. Le juge Hurwitz lui a demandé quel pourcentage de l'expression créatrice déclencherait la protection du droit d'auteur. Et si 80% de l'expression créative provient de l'utilisateur du logiciel ? L’avocat a admis que, dans ce cas, la sortie (output) « ne serait probablement pas » protégée par le droit d'auteur. Le juge Callahan a estimé que la condition de protection de la sortie (output) est trop compliquée.
Source : Maw Law