Évolution des parts de marché des logiciels de traitement de texte de 1986 à 1997
Ce succès phénoménal de Word pour Windows peut être expliqué par diverses raisons de différents ordres. Surement, le génie du markéting de Microsoft y a largement contribué, mais il ne faut pas négliger l’innovation technique que la firme a apportée. En effet, Word pour Windows était capable de tourner sur des machines ordinaires, popularisant auprès du grand public les interfaces graphiques de traitement de texte. Il faut se rappeler que durant cette époque, un ordinateur avait un processeur de 8 MHz, un mégabyte de RAM, 20 mégabytes de stockage et un lecteur de disquettes. Avec cette configuration minime, difficile de comprendre cette prouesse de Word durant ses débuts sans jeter un coup d'œil sur le code source.
La Version 1.1a de Word a été lancée en 1990, soit un an après la première version
Arrivée de Microsoft Word
Les premiers programmes de traitement de texte étaient totalement différents de ceux qui existent aujourd’hui. Pour simplifier, ce que l’utilisateur tapait et pouvait voir sur écran (s’il en avait un) était composé de commandes de mise en forme incluses avec le texte.
Code : | Sélectionner tout |
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 | .nf .ll 4.0i .in 2.0i 101 Main Street Morristown, NJ 07960 15 March, 1997 .sp 1i .in 0 Dear Sir, .fi .ti 0.25i I just wanted to drop you a note to thank you… |
Après la compilation et l’impression de ce texte, l’utilisateur pouvait voir le résultat qui était presque toujours non conforme aux attentes et il fallait revenir changer les commandes.
L’émergence du WYSIWYG (What You See Is What You Get) a radicalement révolutionné le traitement du texte. L’utilisateur avait enfin la possibilité de visualiser le résultat final directement sur écran. Les commandes clavier sont devenues le moyen favori pour changer la mise en forme du texte, et il n’était plus nécessaire de recourir à un script encombrant pour mener à bien cette tâche.
L’un des premiers programmes en date à mettre en avant ces avancées a été BRAVO, créé en 1974 par Butler Lampson, Charles Simonyi et bien d’autres dans le XEROX PARC, the Palo Alto Research Center. « Il était clair qu’un éditeur attrayant pouvait être conçu pour Alto. Rappelez-vous qu’Alto avait un écran bitmap noir et blanc. Ils avaient une souris et un clavier non décodé. Ils avaient tous les ingrédients qui sont nécessaires pour le WYSIWYG. Et bien sûr, le réseau était là, l’arrivée de l’imprimante laser était proche. Alors tous ces composants étaient là, mais sans le logiciel … nous nous sommes décidés de développer un éditeur et nous l’avons finalisé en trois mois. »
Comme d’autres innovations logicielles et matérielles d’Alto, BRAVO n’a jamais été commercialisé. Après neuf années, Simonyi a été frustré par l’incapacité de Xerox à transformer ses innovations en de véritables produits. En 1981, il a quitté la firme pour aller rejoindre Microsoft et diriger une équipe chargée du développement de programmes d’applications. La première application sur laquelle il a travaillé a été le tableur Multiplan, un concurrent direct de VisiCalc à l’époque.
Simonyi fort de son expérience acquise chez Xerox n’a pas trouvé beaucoup de mal à mener à bien sa mission au sein de Microsoft. Afin de renverser la dominance de WordStar, il a recruté Richard Brodie, un programmeur brillant qu’il avait déjà recruté en 1979 à PARC. Brodie n’avait pas reçu de formation universitaire et n’avait donc pas de diplôme, mais cela n’a pas empêché Simonyi de lui faire confiance. Brodie a par la suite informé qu’il avait juste répondu à quelques questions sur la programmation et que Simonyi a aimé sa façon de répondre.
Durant l’été de 1982, Brodie a commencé à travailler au sein de Microsoft sur un logiciel de traitement de texte contrôlé par la souris. Il a été finalisé un an après en octobre 1983. « J’avais les mains libres, c’était un petit programme et j’étais familiarisé avec le traitement de texte après mon travail chez Xerox PARC avec Charles. »
C’était un petit programme certes, mais il était doté de fonctionnalités sophistiquées, incluant le support de feuilles de style, plusieurs fenêtres, les notes, la fusion avec mail, la fonction annuler et l’arrivée de fonts que les nouvelles imprimantes lasers du marché pouvaient utiliser. Le fondateur et PDG de Microsoft à l’époque Bill Gates a été ébloui par le nouveau programme. « Une chose qui a impressionné Bill est une optimisation liée à la vitesse d’affichage sur écran. La mise en forme était en temps réel, à chaque fois que vous insérez un caractère, le contenu de l’écran se met à jour pour montrer exactement ce qui va être imprimé. »
En 1983, des copies gratuites de Microsoft Word ont été livrées avec le magazine PC World et les réponses du public ont été mitigées. Cela était dû en grande partie à l’évolution radicale du logiciel qui était différent de tous les autres programmes utilisés par les gens à l’époque. Après avoir testé le logiciel en 1984, le magazine BYTE a conclu qu’il était « intelligent, permet de réaliser des exploits extraordinaires, », mais il était « extrêmement difficile à maitriser et à utiliser avec efficience. Il apparait que les développeurs de Word veulent réinventer le traitement de texte. »
Et c’est exactement ce qu’ils voulaient faire ; Microsoft Word a permis de populariser le concept du WYSIWYG aux masses. Durant les prochaines années qui suivent son lancement, Word a été régulièrement amélioré. La première version a été lancée en 1989 et coutait 495 dollars pour un seul utilisateur. Ce prix n’a pas empêché le logiciel à commencer son ascension et écraser la concurrence durant les années qui suivent et contrôler 90% des parts du marché.
Source : Computer History Museum
Et vous ?
Qu'en pensez-vous ?