En novembre dernier, le Royaume-Uni a adopté une loi en vue d'élargir ses moyens de surveillance de masse. Décrit par des opposants comme « une loi de surveillance extrême jamais adoptée dans un pays démocratique », l'Investigatory Powers Act, ou encore « la charte des snoopers », a été initialement proposé en 2012 par l’actuel premier ministre Theresa May, qui était en ce moment secrétaire d'État à l'Intérieur. Quatre ans plus tard, le projet de loi a été finalisé et voté par les deux chambres parlementaires le mois passé.
Pour les défenseurs des libertés, la charte des snoopers va permettre au gouvernement britannique de « documenter » tout ce que les utilisateurs font en ligne. Entre autres mesures, elle prévoit par exemple de contraindre les fournisseurs d'accès Internet à enregistrer l'historique Web de chaque utilisateur en temps réel pour une durée maximale d'un an, historique auquel peuvent accéder de nombreux ministères. Les données des utilisateurs seront en effet accessibles à un grand nombre d'agences : le renseignement, la police et bien d’autres.
Une récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne vient toutefois remettre en cause la nouvelle loi de surveillance de masse du Royaume-Uni. Cette décision fait suite à un mouvement de contestation conduit par les députés David Davis et Tom Watson, soutenus par les défenseurs de la vie privée.
Il y a un an et demi, la Haute Cour d'Angleterre avait déjà tranché l’affaire en faveur du groupe de David Davis, mais le gouvernement britannique a décidé de faire appel, en portant l’affaire devant la Cour européenne de justice, la plus haute juridiction de l'UE. Cette dernière va toutefois s’aligner sur le premier verdict rendu au Royaume-Uni.
La CJUE estime que la législation britannique qui prévoit la conversation des données de trafic et des données de localisation doit « être considérée comme particulièrement grave ». En effet, « le fait que les données soient conservées sans que les utilisateurs des services de communications électroniques en soient informés est susceptible de donner aux personnes concernées l'impression que leur vie privée fait l'objet d'une surveillance constante », a déclaré la Cour européenne de justice. « Par conséquent, seul l'objectif de la lutte contre la criminalité grave est de nature à justifier une telle ingérence. »
Pour en venir au contenu de la charte des Snoopers, le tribunal poursuit en disant qu’elle va bien au-delà de ce qui pourrait être considéré comme justifiable : « La législation prescrivant une conservation générale et aveugle des données n'exige pas qu'il y ait une relation entre les données qui doivent être conservées et une menace pour la sécurité publique et ne se limite pas, entre autres, à la conservation des données relatives à une période et/ou une zone géographique et/ou un groupe de personnes susceptibles d'être impliqués dans un crime grave. Une telle législation nationale dépasse donc les limites de ce qui est strictement nécessaire et ne peut être considérée comme justifiée au sein d'une société démocratique. »
Suite à la décision de la CJUE, le gouvernement britannique envisage de faire appel une fois de plus. Un porte-parole du ministère de l'Intérieur a exprimé la déception du gouvernement après le jugement rendu par la Cour de justice européenne. Nous « envisagerons ses implications potentielles », dit-il. « Ce sera à la cour d'appel de statuer sur l'affaire. Le gouvernement présentera des arguments solides à la cour d'appel au sujet de la force de notre régime actuel de conservation et d'accès aux données de communication. Étant donné l'importance des données de communication pour la prévention et la détection de la criminalité, nous veillerons à ce que des plans soient en place pour que la police et les autres autorités puissent continuer à acquérir ces données d'une manière conforme au droit communautaire et à notre obligation de protéger le public », a-t-il ajouté.
Avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, il n’est pas sûr que cette décision ait une incidence importante sur l’application de la nouvelle de surveillance de masse britannique. Toutefois, c’est un signal envoyé aux différents pays de l’Union européenne pour leur dire que les États ne peuvent pas imposer aux fournisseurs d'accès Internet une obligation générale de conservation des données.
Source : The Guardian
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La CJUE condamne la « conservation générale et sans discrimination » des données
De trafic et de localisation des utilisateurs
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Le , par Michael Guilloux
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