La Commission européenne a ouvert une enquête approfondie concernant le traitement fiscal accordé par le Luxembourg au groupe GDF Suez (devenu Engie). Bruxelles craint que plusieurs décisions fiscales anticipatives émises par le Luxembourg aient potentiellement conféré à GDF Suez un avantage injustifié par rapport à d’autres sociétés, en violation des règles de l’UE relatives aux aides d’État.
C’est dans un contexte relativement tendu entre les États-Unis et l’Europe que Margrethe Vestager, commissaire européen à la concurrence qui est en déplacement à Washington, a annoncé l’ouverture de cette enquête devant les médias américains. Une enquête qui lui a permis de nier toute idée de discrimination envers les entreprises américaines. « L’Union européenne est ouverte pour les affaires et non pour l’évasion fiscale, a-t-elle déclaré. Nous avons une histoire différente des Etats-Unis et n’avons pas toujours la même vision des choses.».
La Commission entend déterminer, en particulier, si les autorités fiscales luxembourgeoises ont dérogé de façon sélective à des dispositions de la législation fiscale nationale dans des décisions fiscales anticipatives adressées à GDF Suez.
Depuis septembre 2008, le Luxembourg a émis plusieurs décisions fiscales concernant le traitement fiscal de deux transactions financières similaires effectuées entre quatre sociétés du groupe GDF Suez, toutes basées au Luxembourg. Ces transactions financières sont des emprunts convertibles en actions pour lesquels le prêteur ne perçoit aucun intérêt. Le premier de ces emprunts convertibles a été accordé en 2009 par LNG Luxembourg (le prêteur) à GDF Suez LNG Supply (l’emprunteur); le second l’a été en 2011, par Electrabel Invest Luxembourg (le prêteur) à GDF Suez Treasury Management (l’emprunteur).
La Commission considère à ce stade que dans les décisions fiscales anticipatives, les deux transactions financières sont traitées à la fois comme des emprunts et comme des prises de participation. Une même transaction est donc traitée de façon incohérente sur le plan fiscal. D’un côté, les emprunteurs peuvent constituer des provisions pour les intérêts dus aux prêteurs (transactions traitées comme des emprunts). De l’autre, les revenus perçus par les prêteurs sont considérés comme une rémunération de capital similaire à un dividende versé par les emprunteurs (transactions traitées comme des prises de participation).
Bruxelles estimes que ce traitement fiscal entraîne une double non-imposition, du côté des prêteurs et des emprunteurs, de bénéfices générés au Luxembourg. Cela est dû au fait que les emprunteurs peuvent réduire sensiblement leurs bénéfices imposables au Luxembourg en déduisant à titre de dépenses les intérêts débiteurs (provisionnés) générés par la transaction. De leur côté, les prêteurs échappent à l’imposition des bénéfices qu’ils tirent des transactions, parce que les règles fiscales du Luxembourg exonèrent de toute imposition les revenus générés par les prises de participation.
À ce sujet, Margrethe Vestager a déclaré que « les transactions financières peuvent être imposées de différentes manières, en fonction de leur nature - emprunt ou prise de participation - mais une même entreprise ne peut pas gagner sur les deux tableaux pour une seule et même transaction. C’est pourquoi nous allons examiner attentivement des décisions fiscales anticipatives émises par le Luxembourg en faveur de GDF Suez. Elles semblent être en contradiction avec les règles d’imposition nationales et permettre à GDF Suez de payer moins d’impôts que d’autres sociétés ».
Une opération qui va sans doute calmer un peu les ardeurs américaines. Rappelons que les patrons américains étaient monté au créneau : Business Roundtable, un lobby très influent aux États-Unis, constitué de 185 PDG de grandes entreprises américaines a exprimé dans une lettre adressée aux vingt-huit chefs d’État et de gouvernement en fin août sa frustration au sujet de la décision de la Commission européenne, en la qualifiant de « la dernière agression de l'Europe contre la souveraineté des États et les entreprises américaines », mais également d’une « nouvelle et dangereuse forme de protectionnisme qui aura un effet dissuasif sur les investissements en Europe ». Ils ont demandé aux élus de renverser la décision prise par la commissaire européenne à la Concurrence. « Ce précédent augmenterait l’incertitude avec un effet néfaste sur les investissements étrangers en Europe. L’Union européenne vient de s’auto-infliger une blessure douloureuse.», menaçaient-ils.
Dans une interview accordée vendredi dernier à Euractiv, une agence de presse spécialisée dans l’actualité européenne, Margrethe Vestager a affirmé que deux autres entreprises américaines, McDonald et Amazon, étaient dans son champ de mire.
Source : Europa
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Pour violation des règles de l'UE relatives aux aides d'État
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Le , par Stéphane le calme
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