
Les sénateurs regrettaient par exemple que « la prescription de l'action publique [peut] être acquise alors même que l'écrit est toujours en ligne ». D’ailleurs, contrairement au caractère plus éphémère de la presse papier, sur les pages internet, d’anciennes infractions peuvent rester accessibles même des années plus tard. C’est ce que rappelle François Zochhetto (UDI) lorsqu’il avance que « il faut distinguer les auteurs professionnels des autres, oui, mais le système de responsabilité en cascade me laisse dubitatif. Assez vite, la victime abandonne et préfère se tourner vers l'avenir - mais sur Internet, le passé, c'est le présent permanent ! ».
« L’autre problème sur Internet, est qu’il n’y a pas que des professionnels », affirment les sénateurs, qui font allusion entre autres à « ceux qui se prennent pour les détenteurs de la vérité, ceux qui peuvent être des ingénieurs autoproclamés, ceux qui n’ont jamais eu les capacités de devenir journaliste et qui néanmoins interviennent sur Internet ».
Aussi, dans l’optique de maintenir l’équilibre entre liberté d’expression et atteintes au libertés par des abus, les élus ont fait 18 propositions. Parmi elles figure par exemple une meilleure réparation des préjudices commis sur internet nés de délits de presse. Ici, les sénateurs ont proposé l’amélioration et l’adaptation à internet du droit à la réponse au-delà des mécanismes prévus par la disposition de 1881 (par exemple à la réception de la demande, le directeur de la publication dispose de trois jours pour mettre en ligne la réponse). Ils ont également demandé la création d’une peine complémentaire de publication de la réponse sur un site condamné. Ils proposent aussi de supprimer le principe selon lequel le désistement du plaignant entraîne la fin des poursuites. Les élus prévoient explicitement dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) que ses dispositions s'appliquent à tout prestataire, même étranger, ayant une activité même secondaire en France ou y fournissant des services gratuits. Ils proposent d'allonger le délai de prescription à un an pour les délits de diffamation, d'injures et de provocation à la discrimination, commis sur Internet.
Près de deux mois plus tard, ils reviennent à la charge et déposent deux amendements au sein de la commission spéciale qui est chargée d’examiner le projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté. Ils proposent de compléter le premier alinéa de l’article 65 par « lorsque les infractions ont été commises par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, sauf en cas de reproduction du contenu d'une publication diffusée sur support papier, l’action publique et l’action civile se prescrit par trois mois révolus, à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du message susceptible de déclencher l'une de ces actions ».
Pour rappel, l’article 65 dispose que « l'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait.
Toutefois, avant l'engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d'enquête seront interruptives de prescription. Ces réquisitions devront, à peine de nullité, articuler et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l'enquête est ordonnée.
Les prescriptions commencées à l'époque de la publication de la présente loi, et pour lesquelles il faudrait encore, suivant les lois existantes, plus de trois mois à compter de la même époque, seront, par ce laps de trois mois, définitivement accomplies ».
Après examen en commission, le texte sera discuté en séance publique les 4, 5 et 6 octobre 2016.
Source : Sénat (propositions), amendement proposé, article 65
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