En comparant l’évolution du temps de travail dans différents pays en Europe, des inspecteurs de l'IGAS arrivent à une conclusion : l’argument selon lequel les Français ne travaillent pas assez serait totalement faux. Il ne peut donc constituer un motif pour augmenter la durée de travail en France.
En effet, cet argument ne tient que si l’on se focalise sur la durée de travail à temps complet. Lorsqu’on considère le temps de travail de tous les salariés (à temps complet, comme à temps partiel), on note que « la durée effective du travail en France n’est pas particulièrement basse par rapport à celles des autres membres de l’Union européenne ». Les pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie, où la durée légale est supérieure à celle de la France, ont en effet recours au « développement massif » du temps partiel, indique le rapport. La comparaison avec les modèles de ces pays est donc trompeuse. Le rapport souligne également une baisse de la durée du travail dans tous les pays européens et le fait que la France fait partie des pays où l’intensité de travail a fortement augmenté.
Les inspecteurs de l’IGAS expliquent aussi que dans certaines conditions, « les politiques de réduction de la durée légale du travail permettent de créer, au moins à court terme, de l’emploi ». Les conditions requises sont « la maîtrise de l’évolution des coûts salariaux » et « le financement de ce type de politique ». Ces derniers indiquent par exemple que les 35 heures de travail ont permis de créer plus de 350 000 emplois entre 1998 et 2002. Ainsi donc, les arguments avancés pour contester les créations d’emploi avec les 35 heures de travail « apparaissent fragiles », précise le rapport. Il souligne en outre que les 35 heures n’ont pas eu d’impact négatif sur la compétitivité de la France. De manière générale, ces inspecteurs concluent que « s’agissant de l’effet négatif des lois Aubry [qui ont instauré des dispositifs tels que les 35 heures] sur la compétitivité, aucun élément ne permet de confirmer cette affirmation ».
Les politiques de temps partiel peuvent être également bénéfiques pour la création d’emploi, même si leur impact est bien moins important que celui des 35 heures. Le rapport révèle en effet que les politiques qui ont développé le temps partiel, qui ont été expérimentées en France entre 1993 et 2002, ont créé « au plus 150 000 emplois ». Il révèle par contre qu’en période de faible croissance, le recours aux heures supplémentaires « présente un fort risque d’effet d’aubaine et pèse négativement sur l’emploi ».
À la fin de l’étude, les inspecteurs de l’IGAS font donc dix recommandations dont l’objectif est de jouer sur la durée du travail pour réduire le chômage. Ces recommandations mettent notamment en avant la nécessité de réduire le temps de travail, d’une part, « dans une perspective prioritaire de création d’emplois », et d’autre part, « avec un double objectif d’emploi et de meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée ». Dans aucune des recommandations, il n’a été suggéré d’augmenter la durée de travail. Pour illustrer cela, parmi ces recommandations, on peut citer :
- proposer aux entreprises qui le souhaitent une réduction collective de la durée du travail de 10 % assortie d’une réduction de cotisations sociales ;
- favoriser le temps partiel à forte quotité et encadrer sa mise en place pour qu’il ne pénalise pas les femmes. Pour être plus clair, le rapport suggère ici de favoriser les temps partiels, mais à 80 % (payé 90 % du temps plein), ou 90 % (payé 95 % du temps plein), tout en veillant à ce qu’ils ne s’appliquent pas qu'essentiellement aux femmes ;
- cibler la réduction du temps de travail des cadres avec pour objectif la création d’emplois, dans le cadre d’accords d’entreprises. Leur durée hebdomadaire de travail pourrait ainsi être plafonnée à 44 heures.
Ce rapport n’a toutefois jamais été transmis au gouvernement. Le chef de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), Pierre Boissier, estimait en effet qu’il avait été raté. Mais la fuite nous montre bien qu’il aurait tout simplement ravivé le débat sur la loi Travail. Aurait-il donc été tenu secret pour cette raison ?
Rapport d’évaluation des politiques d’aménagement-réduction du temps de travail dans la lutte contre le chômage : Rapport sur les 35 heures (PDF)
Sources : Mediapart, Le monde
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