Le Sénat a voté ce mardi, à une courte majorité (185 voix contre 156), un texte remanié de la loi travail. Les sénateurs ont effectivement réintégré un à un les points les plus controversés du texte initial, qui avaient été abandonnés après la première manifestation du 9 mars, à l'issue de la négociation avec la CFDT.
Ils ont confirmé par exemple le plafonnement des indemnités prud’homales qui sont obtenues en cas de licenciement « sans cause réelle et sérieuse » (plafonnement à 15 mois de salaire au maximum). La majorité sénatoriale pense qu’une telle mesure permet d’atténuer la peur d’embaucher chez de nombreuses PME.
Le Sénat a également adopté le très controversé article 2 qui instaure la primauté des accords d'entreprises sur les accords de branches en matière de temps de travail. Une mesure dénoncée par plusieurs syndicats et par une partie de la gauche, car elle serait de nature à encourager le moins-disant social entre les sociétés d’un même secteur. Les sénateurs de droite et du centre, qui étaient favorables à l’article 2, l’ont amendé en supprimant la notion de « durée légale du travail » pour la remplacer par une « durée de référence » qui serait fixée par accord d’entreprise ; en l’absence d’accord, les salariés repasseraient aux 39 heures par semaine.
Le Sénat a aussi relevé, contre l'avis du gouvernement, le niveau des seuils sociaux dans les entreprises, faisant passer de 11 à 20 salariés, l'obligation de faire élire des délégués du personnel, et de 50 à 100 salariés la création d'un comité d'entreprise (CE) et d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le seuil minimum de 24 heures pour le temps partiel a lui été supprimé.
Par ailleurs, les sénateurs suppriment la possibilité de mandater un représentant syndical dans les PME et TPE, autre concession faite à la CFDT, à l’Assemblée nationale, par la commission des affaires sociales.
La durée du travail des apprentis suivra « celle de l’entreprise », y compris s’il s’agit de travailler la nuit. Sur ce sujet l’apprentissage en alternance est autorisé dès 14 ans (contre 16 aujourd’hui).
Le « droit à la déconnexion », inscrit dans le projet de loi afin que les salariés « coupent » leur smartphone ou leur PC durant leur temps de repos et de congés, a été allégé, notamment en retirant l’obligation d’élaborer une charte de la déconnexion dans les entreprises de plus de 50 personnes.
Les parlementaires ont également utilisé le passage du texte au Sénat pour supprimer l’extension de la garantie jeune, l’une des promesses de Manuel Valls faites à la suite de la bronca étudiante, ainsi que le contrat de génération.
La députée PS Annick Lepetit a assuré que « nous continuons à rechercher toutes les améliorations possibles ». Laurent Baumel, l'un des chefs de file des « frondeurs » PS, a avancé « j'espère que le président de la République indiquera à son Premier ministre qu'il serait peut-être plus utile de discuter réellement. On n'est pas très loin d'un compromis possible. Il me semble que les syndicats sont disposés à un compromis ».
À l'issue du vote, la ministre du Travail Myriam El Khomri a assuré qu'elle restait « tenace et déterminée à amener ce projet de loi jusqu'au bout ». Selon son entourage, le texte voté par les sénateurs présente « des différences assez marquées avec notre version, notamment sur le dialogue social », mais aussi que « le Sénat a arrêté des propositions plus proches de celles du patronat. On peut par ailleurs voir que ce qu’ils ont adopté fait écho aux propositions qu’on lit dans les programmes des primaires des uns et des autres ».
Nicole Bricq a dénoncé un texte « complètement déséquilibré » par la Chambre haute. « En plein débat des primaires, il vous fallait montrer vos muscles et donc faire des prises de guerre. Mais était-il bien nécessaire de revenir sur les 35 heures ? » Toutefois, pour Alain Milon, président (LR) de la commission des Affaires sociales, le texte du Sénat « constitue une vraie réforme qui ne tombe pas dans la caricature que certains ont dénoncée ».
Le projet de loi sera donc de nouveau examiné par l’Assemblée nationale dès jeudi, d’abord en commission des affaires sociales, puis en séance à partir du 5 juillet, séance pendant laquelle le gouvernement n'exclut pas de recourir à nouveau à l'article 49-3 pour faire adopter sa version sans vote. Dans l’intervalle, Manuel Valls reçoit, mercredi et jeudi, les organisations syndicales et patronales afin de faire le point sur le texte.
Source : Le Monde
Loi travail : le Sénat adopte une version modifiée du projet de loi
Qui prévoit entre autres l'abrogation des 35 heures
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Le , par Stéphane le calme
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