L’un des problèmes les plus épineux auquel fait face l’écosystème de la publicité est la montée en puissance des bloqueurs de publicité qui se fraient progressivement un chemin dans les habitudes des internautes. AdBlock Plus, l’outil développé qui se revendique être l’outil de blocage de publicités le plus populaire, est sans doute l’une des figures emblématiques de ce mouvement de réforme.
Les procès à l’endroit d’Eyeo, l’éditeur derrière la conception d’AdBlock Plus, se sont multipliés. Entre autres, les diffuseurs allemands RTL Interactive et ProSiebenSat1 avaient fait valoir que les utilisateurs ne devraient pas être en mesure de bloquer les publicités sur leurs sites Web et qu’Adblock Plus ne devrait pas être en mesure d'offrir sa Politique de « Publicités acceptables » qui exige des grands éditeurs de se plier à une série de normes et parfois même de payer de lourds frais afin de figurer sur la liste blanche de son service de blocage.
À ce propos, l’éditeur a rendu disponible une liste, qui peut être consultée par tous, définissant ce qu’il entend par publicités acceptables (en donnant des critères généraux associés à des critères spécifiques), mais également des critères de publicités qui ne sont pas acceptables.
Grosso modo, l’objectif est de garantir entre autres qu'une publicité ne cachera pas le contenu du site, en sera distincte, n'obligera pas l'utilisateur à effectuer un défilement pour afficher ce qu'il est venu voir, ne perturbera pas l'équilibre de la page, etc. Till Faida, le PDG d’Adblock Plus, a déclaré que « notre but n'est pas de tuer la publicité. Nous voulons l'améliorer, et soutenir les petits sites ».
Aussi, si les « petits sites » peuvent demander à être inscrits sur la liste blanche d’AdBlock Plus dès lors qu’ils répondent aux critères tels que définis par l’éditeur, « cela coûte extrêmement cher de maintenir cette liste blanche » : vérifier que tout est conforme aux critères. Publier la liste. La tenir à jour. Vérifier à chaque fois qu'un éditeur ne sortira pas de la ligne directrice, etc. « cela nécessite beaucoup de ressources et d'efforts. On peut y parvenir uniquement s'il y a une activité soutenable derrière ». Raison pour laquelle Eyeo a décidé de facturer les « grands sites » au grand regret des éditeurs qui ont, à chaque reprise, critiqué la façon dont le blocage des publicités des sociétés comme Eyeo facturent de grands éditeurs et des sociétés comme Google et Amazon pour qu’ils figurent dans leur liste blanche. L’éditeur allemand Axel Springer a lui aussi engagé une poursuite contre Eyeo.
Vendredi dernier, le tribunal d’appel de Cologne (Allemagne) a accordé une victoire partielle à Axel Springer, estimant qu’Eyeo n’avait pas à lui faire payer des frais pour le mettre dans sa liste blanche. Une décision qui s’appuie sur une loi sur la concurrence introduite en 2015 dans le droit allemand et basée sur une directive européenne. La victoire est partielle dans la mesure où Axel Spring n’a pas pu obtenir de la Cour qu’elle déclare l’illégalité d’AdBlock Plus.
Une défaite qui passe mal du côté d’AdBlock Plus qui déclare dans un billet de blog : « Le blocage des publicités a été une fois de plus trouvé comme étant cent pour cent légal. Cependant, cette fois-ci, le tribunal a trouvé une loi obscure nouvellement adoptée dans le droit allemand de la concurrence déloyale. Cette loi a été lancée en décembre 2015, son paragraphe 4a UWG est basé sur une directive européenne qui visait à protéger les consommateurs contre des tactiques commerciales agressives. Mais l'Allemagne a réécrit cette loi, l’emmenant plus loin que l'Europe ne souhaitait, et l’a rendue applicable non seulement entre les entreprises et les consommateurs, mais aussi entre les entreprises et les autres entreprises.
Les avocats d’Axel Springer se sont servis de cette sous-clause pour justifier leur demande secondaire à la Cour : “interdire un bloqueur de publicités si ce bloqueur de publicités autorise l’affichage de publicités qui répondent à certains critères et exige que Springer [l’emphase est la mienne] lui paye une redevance », a écrit Ben Williams d’Eyeo.
Eyeo rappelle qu’Axel Springer « est une maison d’édition numérique qui pèse plusieurs milliards de dollars, possède la majorité des journaux en Allemagne et dont les actions s’étendent sur 40 pays dans le monde » : « Normalement, parce qu’Axel Springer serait probablement considéré comme étant une “grande entité” d’après nos règles, ils devraient payer ; mais, à cause de cette décision, nous devons les traiter comme étant un cas particulier. Autrement dit, nous ne pouvons pas accepter une compensation pour les services que nous pourrions leur rendre. Donc, si Springer nous propose des publicités à mettre en liste blanche et que celles-ci correspondent à nos critères, nous les mettrons en liste blanche gratuitement, comme pour les autres 90 pour cent des entreprises sur notre liste blanche ».
Mais Eyeo ne veut pas en rester là et a promis de faire appel de cette décision.
Source : Reuters, blog AdBlock Plus, blog AdBlock Plus (critères d'une publicité acceptable)
Voir aussi :
Blocage publicitaire : les éditeurs de presse américains se saisissent de la FTC pour dénoncer des pratiques illégales dans le blocage de pub
Adblock Plus revendique plus de 100 millions d'utilisateurs actifs de son outil de blocage de publicités, le nombre d'utilisateurs en France est stable
Blocage de pub : un tribunal allemand statue en faveur d'Axel Springer
Qui ne devrait plus payer pour figurer en liste blanche d'AdBlock Plus
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Le , par Stéphane le calme
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