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Que pensez-vous du jargon utilisé par les recruteurs pour baratiner les recrutés ?
Retour d'un entretien avec une SSII

Le , par chiv

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Cela fait bien longtemps que nous sommes familiarisés avec un certain jargon en vigueur dans nos entreprises, fait de néologismes et d’anglicismes plus ou moins appropriés et plus ou moins dénués de sens.

On lui donne de nombreuses appellations : jargon professionnel, novlangue, bullshit, autre…

On ne l’aime pas trop et on s’en plaint parfois. On le raille aussi comme dans cet hilarant billet du site satirique, le Gorafi, et dans de nombreux repaires d’informaticiens à l’humour caustique comme les forums de Developpez.com. Mais, bon gré, mal gré, on fait avec et on l’a plus ou moins adopté. Après tout, les informaticiens sont habitués à travailler principalement en anglais et puis, à Rome, fais comme les Romains. Quand on se trouve dans une réunion avec des clients ou nos managers, il faut bien s’efforcer de parler la même langue qu’eux. Surtout si on veut demander une augmentation conséquente pour en obtenir une petite en fin d’année.

Jusqu’ici, ça ne dérangeait pas notre travail plus que cela et c’était une source d’inspiration humoristique appréciable pendant les pauses café.

Mais dernièrement, amis informaticiens, j’ai été amené à m’interroger et à vouloir recueillir votre sentiment à ce sujet. Je vous raconte simplement mon dernier entretien dans une SSII dont je tairai le nom ici pour des raisons évidentes. Vous me direz si vous avez des expériences similaires et ce que cela vous inspire.

Pour commencer, je reçois un email qui n’a ni queue ni tête d’une chargée de recrutement qui l’a probablement copié-collé sans le lire. Commençons par décortiquer un peu le message en question.

Cette personne, que nous appellerons Mademoiselle à partir de maintenant, se présente comme « Talent Officer ». Ça commence bien.
Si l’utilité du deuxième mot de ce titre, « Officer », est particulièrement évidente: caresser Mademoiselle dans le sens du poil et éviter de la voir réclamer une rémunération décente puisque l’on a déjà eu l’obligeance de lui offrir un titre ronflant sur sa carte de visite et un statut social valable entre La Défense et Issy-les-Moulineaux, le message porté par le premier mot « Talent » est un peu plus flou.

On subodore que l’utilisation de ce mot est destinée à faire comprendre d’entrée de jeu à l’inconnu auquel elle s’adresse à quel point son immense talent est désiré. C’est quand même un « Officer » qui prend la peine de vous écrire directement, à vous, le « Talent » potentiel. Peut-être un Officer stagiaire mais tout de même, quelle chance vous avez.
La suite de son texte m’amènera à me demander si elle a été recrutée elle-même par un Mediocrity Officer mais comme en plus de son sens premier, Talent signifie « beau gosse » en argot anglais, je le prends pour moi, m’accrochant à l’espoir de décrocher un rencard en même temps qu’un entretien et poursuis ma lecture. Attention les yeux !

Quand je reçois un email de quelqu’un que je ne connais pas, j’aime bien savoir comment les gens ont obtenu mes coordonnées et pourquoi ils me contactent. Par chance, c’est exactement ce dont m’informe la première phrase. Elle me contacte car elle a « vu que j’étais actif sur la toile, notamment sur Twitter ». Après un instant de panique, je me dépêche d’aller vérifier mon compte Twitter au cas où celui-ci aurait été piraté. Ouf ! C’est bien le mien tel que je l’ai laissé lors de ma dernière connexion. Moins de 10 tweets en 1 an, la plupart n’ayant rien à voir avec mon activité professionnelle. Qu’est-ce qu’elle a bien pu vouloir dire par « actif sur Twitter » ? Le mystère reste entier. Dans tous les cas, en raison de ma grande activité sur Twitter, elle « serait ravie d’échanger avec moi pour discuter de mes souhaits professionnels et des valeurs importantes pour moi ». Je ne vois pas vraiment ce que les valeurs importantes pour moi peuvent bien lui faire mais j’ai du temps libre actuellement et je suis toujours ouvert à la discussion alors pourquoi pas. Échangeons donc, Mademoiselle.

Après cette mise en bouche savoureuse qui me fait me demander si elle ne s’est pas trompée de destinataire en envoyant son email, Mademoiselle souhaitait sans doute me donner plus d’informations au sujet de sa société. Elle m’informe donc que la société a un motto, l’« Agile Driving Force » ! Bon sang de bon sang de bonsoir, me dis-je, ça a l’air surpuissant ça, l’Agile Driving Force ! Il y a même des majuscules dedans ! Mais qu’est-ce que ça peut bien être ? D’explication je n’aurai point. Merci bien pour l’info Mademoiselle. Ça me fait une belle jambe. Dieu sait que j’ai une vraie passion pour les belles jambes mais quand même, j’aurais bien voulu en savoir plus.

Deuxième précieuse information sur sa société, ils ont « pour vocation de contribuer à l'émergence de nouveaux concepts et modèles ou de nouveaux "ways to think" au sein de leur communauté ». Ben dis-donc. Moi qui pensais naïvement que les sociétés de services en informatique avaient pour vocation de gagner de l’argent en plaçant des consultants chez des clients. J’en tombe des nues ! Ce n’est pas une SSII, c’est un café-philo en fait ? Là encore, point d’explication à venir. Je me fais violence pour résister à l’envie pressante de lui demander ce qui la pousse à écrire « ways to think » au lieu de « façons de penser » au milieu d’un email en français et reprends l’exploration de cet email venu de l’espace, assurément avec des intentions hostiles.

La suite m’informe que ces messieurs dames souhaitent mener à bien leur mission de café-philo avec un profil tel que le mien car leur société, c’est « avant tout partager un mindset Agile et entrepreneurial avec des personnalités différentes, un peu folles qui ont, comme nous, l'envie de contribuer à enrichir le futur. ». Je passe sur le « mindset Agile et entrepreneurial » qu’ils seraient bien en peine de définir si quelqu’un prenait la peine de leur demander d’expliciter leurs élucubrations pour m’arrêter sur les « personnalités un peu folles ». Je me frotte les yeux. Est-ce que Mademoiselle se rend compte que non-contente de prétendre avoir la moindre connaissance de la personnalité de tous les inconnus auxquels elle envoie son message type, elle les traite littéralement de fous ?

Pour conclure son message, elle me « laisse découvrir plus avant sa société » en suivant un lien vers leur site. Cliquer ou pas ? Je me sens comme devant la boîte de Pandore.

En dépit de tout le désespoir que m’inspire cet email, je suis tout de même à la recherche d’une mission et prends mon courage à deux mains pour envoyer à Mademoiselle une réponse succincte dans laquelle j’évite de faire allusion à tout ce qu’il y avait d’incompréhensible dans son message, c’est à dire à tout.

Je lui envoie quelque chose comme « Je travaille en indépendant. Si vous souhaitez faire appel à mes services, n’hésitez pas à me recontacter. Merci. Gros bisous. » Mais sans écrire « Gros bisous », même si c’était tentant.

Mademoiselle me fait savoir quelques heures plus tard que « son DRH souhaite me rencontrer ». Je ne sais pas pourquoi il veut me rencontrer mais je décide d’accepter puisque j’ai du temps à perdre et nous fixons un rendez-vous.

A ce stade de l’échange, je me dis pour me rassurer que l’épreuve de l’email était sans doute due à la jeunesse de Mademoiselle et qu’elle prendra certainement conscience de l’importance pour un texte d’avoir du sens avec le temps. L’entretien avec le DRH s’avérera assurément plus constructif pensai-je. Je ne fus pas déçu.

Je me retrouve dans une pièce avec un jeune homme qui a autant l’air d’être DRH d’une société de plus de 100 personnes que j’ai l’air d’être la Reine Victoria. Ok Steve Jobs privilégiait le col roulé au costard-cravate et nous vivons à une époque dans laquelle des êtres humains pensent sincèrement qu’un pantalon slim leur va bien, mais tout de même. Ça doit participer de l’Agile Driving Force à la recherche d’une nouvelle « way to think » me dis-je.

Ce monsieur souhaite connaitre mon parcours, ma situation professionnelle et ce que je recherche actuellement. Je lui demande de commencer par m’en dire un peu plus sur ce que je fais là et sa société puisque jusqu’à présent, la seule information dont je dispose est que « le DRH de Mademoiselle souhaite me rencontrer » et c’est un peu court jeune homme nan mais ho.
Il s’exécute et c’est parti pour 15 minutes ! Sans rire. 15 minutes d’à peu près tout ce que j’avais trouvé dans l’email de Mademoiselle en bien pire. De l’« Agile Driving Force » à l’« entreprise libérée » en passant par les relations win-win, l’agilité et l’innovation à tous les étages, l’entrepreneuriat de tous à tous les instants, les employés qui, non contents d’être devenus des « collaborateurs » dans la plupart des sociétés sont maintenant des « coopérateurs » et le reste. Tout ce que l’on peut imaginer comme mots-clefs à la mode y est passé en 15 minutes, le tout fourré dans des phrases toutes faites dénuées de sens à moitié en français, à moitié en anglais, qui me rentraient par une oreille pour ressortir instantanément par l’autre. 15 minutes de poker face à me retenir de rire et de pleurer simultanément en acquiesçant simplement à toutes les âneries que j’entendais. « Oh oui oui dis donc, ça a l’air formidable tout ça. » Et sinon vous avez du boulot pour moi oui ou merde ? - pensais-je en mon for intérieur.

Vient mon tour de parler pour expliquer à ce monsieur ce que j’ai fait et ce que je souhaite faire. 45 secondes plus tard, l’entretien est terminé. Manifestement, il se fout complètement de ce qu’il m’a lui-même demandé de raconter. Je suis compétent, d’après mon CV, sur une technologie pour laquelle il a des demandes chez des clients, une commerciale me téléphonera au plus vite.
Nous nous serrons la main et à bientôt, merci beaucoup.

J’arrête le récit ici car je suppose que cela suffit largement à vous montrer le type de recrutement auquel j’ai été confronté dans cet exemple.

Et vous ?

Qu’en pensez-vous amis informaticiens ? Avez-vous des expériences similaires ? Qu’est ce qui a pu se passer dans les entreprises pour que ce baratin de tous les instants devienne la norme ? Est-ce que ces gens sont fous ? Inconscients ? Est-ce qu’ils nous prennent pour des idiots ou est-ce qu’ils ne se rendent vraiment pas compte de ce qu’ils disent ?

J’aimerais beaucoup avoir vos retours. A vos claviers !

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