En 2014, la Commission européenne a ouvert trois enquêtes approfondies concernant les décisions prises par les autorités fiscales en Irlande (au sujet d'Apple), aux Pays-Bas (au sujet de Starbucks) et au Luxembourg (au sujet de Fiat Financing and Trade). La Commission a affirmé avoir ouvert son enquête « à la suite d’articles de presse affirmant que certaines entreprises avaient bénéficié d’importantes réductions d’impôts accordées au moyen de ‘décisions anticipatives en matière fiscale’ adoptées par les autorités fiscales nationales », faisant notamment référence à une enquête menée par les soins du New York Times qui avait dénoncé la manière dont Apple organisait son optimisation fiscale. La Commission estime qu’une telle « décision anticipative en matière fiscale » peut constituer une aide illégale accordée à une entreprise par l’État, lorsqu’elle n’est pas conforme aux standards du marché.
Le 21 octobre 2015, des décisions finales ont été annoncées aux Pays-Bas (le cas Starbuck) et au Luxembourg (le cas Fiat). Dans ces décisions, la Commission européenne a ordonné à ces pays de recouvrer ce que la Commission européenne pense qu'elle aurait dû collecter en termes d'impôts sur le revenu de ces entreprises sur une période s'étendant sur une décennie. Le Luxembourg et les Pays-Bas ont fait appel de cette décision.
Après deux ans d’enquête, la Commission pourrait annoncer dans les prochains jours une décision de redressement fiscal à l’endroit d’Apple qui pourrait se chiffrer en milliards de dollars. La Commission européenne a reproché à Apple d’avoir bénéficié de façon disproportionnée de « décisions anticipatives en matière fiscale », procédures qui lui ont profité puisqu’Apple a pu négocier directement avec l’Irlande les modalités de calcul de son impôt sur le bénéfice. Notons que l’entreprise a bénéficié d’un taux d’imposition de 2 % en Irlande (bien loin des 12,5 % imposés sur le territoire), où sont centralisées ses activités européennes.
Pour rappel, l’imposition du bénéfice des entreprises a lieu dans le pays où la valeur est officiellement créée, et non dans le pays où les produits sont effectivement vendus. Cependant, Apple a procédé à une optimisation fiscale en se servant d’un transfert de valeur entre deux de ses filiales, notamment Apple Operations International (fiscalement basée aux Iles Vierges britanniques) qui gère la propriété intellectuelle du groupe, et Apple Sales International qui gère les ventes hors-USA (fiscalement basée en Irlande).
Selon le Financial Times qui évoque une source proche de l'affaire, la Commission européenne sera en mesure de demander 1 milliard de dollars. Toutefois, le quotidien financier indique que, selon les analystes de JPMorgan, dans le pire scénario Apple pourrait avoir à payer 19 milliards de dollars (soit environ 17 milliards d'euros).
Mais Apple estime ne pas avoir fraudé la loi fiscale. Dans une interview accordée au Washington Post en début de mois, Tim Cook, le PDG d’Apple a déclaré « qu’il est important de comprendre que les allégations faites en Union européenne stipulent que l’Irlande nous a accordé un traitement de faveur, l’Irlande réfute cette affirmation. La structure que nous avons est applicable à tout le monde — ce n’est pas quelque chose qui a été fait uniquement pour Apple. C’était leur loi ».
La menace d’une décision défavorable à l’endroit d’Apple a fait réagir le Département du Trésor des États-Unis la semaine dernière qui a critiqué la Commission européenne, disant qu’elle devenait une « autorité supranationale de taxe » et de viser spécifiquement des entreprises américaines, la menaçant au passage de réfléchir à des réponses appropriées si elle venait à infliger ce lourd redressement fiscal à Apple. Le Département avance qu’un « résultat fortement préférable et mutuellement bénéfique serait de revenir vers le système et la pratique des coopérations fiscales internationales ».
Toutefois, la Commission a indiqué qu’il n’y a pas de parti pris contre les compagnies américaines dans ses enquêtes. « En vertu des règles relatives aux aides d'État de l'Union européenne, les autorités fiscales nationales ne peuvent pas donner des avantages fiscaux aux entreprises sélectionnées qui ne sont pas disponibles pour les autres. Ces règles relatives aux aides d'État et les principes juridiques pertinents ont été mis en place pendant une longue période », a déclaré Alexander Winterstein, le porte-parole de la Commission européenne. Et de continuer en disant que « les règles s’appliquent de façon indiscriminée à toutes les entreprises européennes ou non européennes. La Commission cherche seulement à assurer un traitement égalitaire et à assurer le recouvrement des aides indues ».
Source : Financial Times, Washington Post (interview Tim Cook), Département du Trésor des États-Unis (au format PDF)
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En guise de redressement fiscal
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Le , par Stéphane le calme
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